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Note de lecture

Blockhaus, Maud Thiria,

encres de Jérôme Vinçon,

Editions Ancrages & co, 2021.


Blockhaus, « bloc d’os ici repliés », la poète se souvient, de ces « sensations premières, animales » au « bord de son [mon] monde ». Ce bloc du pays d’enfance qui fait entendre la peur d’être. La vulnérabilité fait se tapir au cœur de sensations à la fois âpres et rassurantes. Ainsi, elle se met à l’abri du tumulte qui force à se taire, pour exprimer là ce qui palpite sous peau. Un désir étrange/é affleure. C’est que la naissance de la langue singulière de Maud Thiria s’arrime à cette terre lorraine portant les stigmates de la guerre. L’écriture se fraie un chemin jusqu’à ce blockhaus du jardin, lieu tutélaire à partir duquel l’auteure prend contact avec la violence du monde extérieur. Et c’est toute la résonance de ce mot aux sonorités heurtées qui est évoquée. C’est ce « bloc d’os » fiché au plus intime de l’être, qui autorise à dire à la fois la blessure et la rébellion. Contours revêches de ce qui parle en soi et s’extrait pour s’affirmer ! Dans sa cachette, la petite fille brandit les poings, s’émancipe du joug maternel, se façonne un univers bien à elle qui la réconcilie avec sa part d’étrangeté. Il s’agit aussi de se départir des réflexes acquis du langage, de son usage habituel, en revenant sans cesse à la source aride de la naissance des mots, c’est-à-dire à ce « blockhaus » qui la « contient » déjà tout entière au seuil de la vie. Elle apprivoise l’envie comme la peur, se lance à la découverte de la forêt, se laisse envahir par les odeurs, creuse des terriers pour oiseaux morts et s’égratigne les jambes dans les baies de groseilles. Enveloppée de la « pâte » sonore du « mot nourricier », elle ose regarder plus loin, envisager l’horizon qui s’offre :


ça te déchire les chairs et ça te sauve

ça déchire ta langue et ça te sauve


Le corps s’arrache et s’enracine dans un même élan paradoxal. Dans le travail de la langue qui bute, puis confère une structure à l’informe. Vers après vers. Accompagnée des encres denses de Jérômes Vinçon, la poésie de Maud Thiria martèle ce désir fou de dire envers et contre tout. Elle bouleverse ainsi le lecteur et le ravit.


Elisa Darnal



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